• Victor Hugo

    En ce moment nous étudions les oeuvres de Victor Hugo. Voici deux de ses poèmes engagés.

    Sur une barricade

    Sur une barricade, au milieu des pavés
    Souillés d'un sang coupable et d'un sang pur lavés,
    Un enfant de douze ans est pris avec des hommes.
    - Es-tu de ceux-là, toi ? - L'enfant dit : Nous en sommes.
    - C'est bon, dit l'officier, on va te fusiller.
    Attends ton tour. - L'enfant voit des éclairs briller,
    Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.
    Il dit à l'officier : Permettez-vous que j'aille
    Rapporter cette montre à ma mère chez nous ?
    - Tu veux t'enfuir ? - Je vais revenir. - Ces voyous
    Ont peur ! où loges-tu ? - Là, près de la fontaine.
    Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
    - Va-t'en, drôle ! - L'enfant s'en va. - Piège grossier !
    Et les soldats riaient avec leur officier,
    Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ;
    Mais le rire cessa, car soudain l'enfant pâle,
    Brusquement reparu, fier comme Viala,
    Vint s'adosser au mur et leur dit : Me voilà.

    La mort stupide eut honte et l'officier fit grâce.

     

    [...]

    Melancholia 

    (extrait)

    Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
    Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
    Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
    Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
    Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
    Dans la même prison le même mouvement.
    Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
    Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
    Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
    Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
    Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
    Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
    Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
    Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !

     

     

    Victor Hugo